La joie joueuse d'Ahmad Jamal, 83 ans selon les organisateurs, 40 selon la police
Ahmad Jamal entre en scène comme si de rien n'était. Les trois jeunes gens qui l'accompagnent prennent leurs postes. Encore un peu de brouhaha dans les rangs, 5 762 paires d'oreilles frétillent sous le grand chapiteau de Marciac (Gers). Quatre accords comme on sonne les cloches et l'auditoire est muselé. Non par terreur, mais par la grâce.
Né Pittsburgh, Pennsylvanie, le 2 juillet 1930, beau visage, corps félin et sourire éclatant, M. Ahmad Jamal aurait, selon les organisateurs, 83 ans. La quarantaine, selon la police. Ahmad Jamal est un magicien. Magicien du clavier, magicien de l'énergie, magicien du quartet, magicien de la scène, magicien du son, scientifique de l'être.
Il choisit Marciac pour présenter son prochain album, Saturday Morning. "Comment gère-t-il le stress d'avant concert ?", ose un jeune gaillard, frais émoulu des grandes écoles du cliché. M. Ahmad Jamal dit que jouer est une joie.
Backstage, avant d'entrer, il plaisante avec ses musiciens, l'impeccable Herlin Riley (drums), le contrebassiste toute épreuve, Reginald Veal, et une sorte de ludion pilier du groupe, le percu Manolo Badrena, aux airs de Frankenstein rigolard. Ce soir, ils créeront de toutes pièces pour lui.
Le concert se déroule en style de festival pyrotechnique sans esbroufe. Hors du temps et de toute contrainte. Science, exigence, intuition, spontanéité, Ahmad Jamal a mis au point une dynamique, un génie de la communication qui ne ressemblent rien de ce qu'a jamais fait un pianiste en jazz ou en classique. Mais qui les résume tous. "J'ai choisi Marciac pour son inventeur, Jean-Louis Guilhaumon. Il a su éduquer son public et sait recevoir. Tout le monde aime jouer ici."
De longues plages s'installent jusqu'au son parfait, bien servi par les améliorations notables du chapiteau. Le quartet s'envole avec la majesté d'un vaisseau spatial, et l , grand huit, mathématique des gouffres, acmés, chutes de (...)